Pour être dans le vent, on peut affecter un dégoût pathologique de la vie: la vraie douleur ne s’exhibe jamais… Gémissant de douleur, la surmontant parfois sans jamais l’afficher pour sacrifier le monde.
Choisissons comme signe de ralliement un dolorisme surmonté..rendre son billet aux idoles pour aller à la recherche de l’homme dans l’homme et de la parole nouvelle inédite à venir... Soulever l’étendard de l’honneur et d’ici à demain, l’exception peut devenir la règle car ce qui compte avant tout ce n’est pas le moyen de décrire en beauté les exploits mais juste dire la vérité à l’état pure. Ne jamais se dire : “un soldat ne peut tenir lieu d’une armée” ..tout homme qui aspire sincèrement à la vérité est déjà terriblement fort. Ne jamais imiter ces phraseurs qui s’en vont répétant à qui veut bien les entendre: “Impossible de faire quoique ce soit, on nous lie les mains, on nous accule au désespoir et à la déception”…ces phraseurs, ces héros de mélodrames sont tous des oisifs infatués de leur propre personne. Celui qui veut se rendre utile pourra même si réellement il a les mains liées…comme seul l’effet de la musique peut être comparable j’ai compris que la donnée n’est pas toute la réalité, cette dernière en recèle une part immense sous forme d’une parole inédite à venir.
Sophocle fait dire à Œdipe, aveugle et agonisant : «Maintenant que je ne suis plus rien, je sais que je suis un homme ». Comme métaphore du vide qui tel un miroir permettrait à l’homme de saisir sa vacuité. 40 ans d’errance dans le désert pour les hébreux, a été le lieu de cette expérience et ca n’a rien à avoir avec le mythe du désert de Lacan car le vide n’habite pas « l’être » c’est « l’être qui habite le vide »…Qu’avons-nous retenu de cette expérience ? L’homme qui pense est un nain ; l’homme qui rêve est un géant , écrivait Hölderlin, L’engagement de l’homme dans l’histoire est de « se décider pour une cause imparfaite » Cette conscience de l’imperfection de la cause inquiète et engendre une critique perpétuelle, un engagement et une critique qui proviendrait de la fidélité et uniquement de la fidélité. Se décider pour une cause imparfaite ne se contente pas d’emettre une opinion, l’intérêt ne relève pas de la raison mais de ce que Platon appelle le Thumos (la partie ardente de l’âme). Car toute férocité idéologique est fascisme, et procède de la mégalomanie. C’est la prétention de l’homme qui fait basculer vers la violence…« Tous les hommes sont inhumains d’amour propre » disait La Rochefoucauld. L’humanité c’est-à-dire généralité de l’idée du semblable est au prix de cette ironie. Quand à la modestie des temps modernes elle ne vaut guère mieux, elle a pris des formes de désaccentuation de la politique civique des existences au profit des échanges économiques et de la vie privée. Jeté dans un monde plein de contradiction chacun de nous se sent obligé de se mettre à l’écart, ce n’est pas de l’égoïsme mais simplement le besoin de construire une vie pleine de sens dans sa sphère privée. Mais chacun de nous est entrainé dans l’histoire qu’il le veuille ou non, alors il faut choisir, subir ou agir ou encore stupidement tenter d’y échapper. Admettre l’imperfection des causes dans lesquelles nous nous engageons, est la seule façon de donner raison à nos adversaires, comme Albert Camus écrit dans « combat- démocratie et modestie » : Camus avait cette conscience de l’imperfection au sortir de la guerre, même si après toutes les guerres de religions antérieures, cette conscience fut pour Montaigne et pour l’Europe une école de modestie, mais cette 2ème guerre mondiale était parfaite dans le sens ou Hitler avançait en hurlant à visage découvert. En 1945, Camus écrit encore: « il faut donner congés à la haine »… « Il s’agit de refaire notre mentalité politique » …« le temps de l’apocalypse n’est plus » …Mais qui a réellement écouté Camus ? La guerre n’est pas la politique mais son interruption indispensable et rien n’est plus dévastateur que la poursuite de la justice absolue. L’engagement Européen aujourd’hui par exemple, on ne le trouve malheureusement pas chez Camus, mais chez Sartres qui veut perpétuer l’apocalypse en faisant de la résistance le modèle de la démocratie et de la lutte des classes…le modèle des patriotes. Sartres et Camus sont d’ailleurs antagonistes sur la question de la place qu’il faut accorder à la haine. « On ne vit pas que de luttes et de haines, on ne meurt pas toujours les armes à la main, il y a l’histoire et il y a autre chose, le simple bonheur, la passion des êtres, la beauté naturelle..»…. et Sartres s’empresse de répondre à Camus : « toute valeur qu’un opprimé a à ses propres yeux il la porte dans la haine qu’il voue à d’autres hommes, et toute son amitié à ses camarades par la haine qu’il porte à ses ennemis »….et à cela René char après la lecture de l’homme révolté dit « je préfère être Marc Aurel que Sillas, Camus que Robespierre.
Chaque jour sur le chantier les matériaux de construction s’accumulent, les volumes augmentent. Le plan n’existe pas. Cependant tous les corps de métier s’emploient à adapter et emboiter les éléments déchargés des camions, la moitié des livraisons est composée de pièces sans usage ou alors défectueuses ou incomplètes. L’autre moitié est unijambiste, les récépissés de commande sont introuvables, tout autour la friche triomphe dans les gravats, des jardins bordés par les pierres des murs d’une maison en ruine marquent la frontière. le terrain manque d’appui. Les ouvriers dorment, les techniciens ne sortent plus des réunions. Pendant la taille des pierres, se répéter ce qu’on dit pour conjurer le sort. Ce caillou est descendu intacte des sommets. La caresse de la rivière en fait son sable. Les nuages traversent la montagne.
Goethe disait: « Laissez-moi maintenant oser ouvrir grand la porte / Au-delà de laquelle les pas des hommes ont toujours trébuché. » c’est un maillon de la chaîne d’or d’Homère, qui existe depuis les débuts de l’alchimie philosophique jusqu’au Zarathoustra de Nietzsche.
C’est vraiment un voyage de découverte impopulaire et dangereux, surtout en ce moment où j’ai besoin d’un point d’appui dans ce monde. Il était essentiel pour moi d’avoir une vie normale dans le monde réel comme contrepoids à cet étrange monde intérieur. Ma famille et ma profession restaient la base à laquelle je pouvais toujours revenir, m’assurant que j’étais une personne ordinaire, réellement existante.
Nietzsche avait perdu le sol sous ses pieds parce qu’il ne possédait rien d’autre que le monde intérieur de ses pensées – qui d’ailleurs le possédait plus qu’il ne le possédait. Il était déraciné et Il planait au-dessus de la terre, et c’est pourquoi il succombait à l’exagération et à l’irréalité.
Pour moi, cette irréalité était la quintessence de l’horreur, car je visais, après tout, ce monde et cette vie. Peu importe à quel point j’étais absorbée ou bouleversée, j’ai toujours su que tout ce que je vivais était finalement dirigé vers cette vie réelle qui était la mienne. J’avais l’intention de remplir ses obligations et d’accomplir ses significations.
Le pont n’existe plus, l’autre coté du paysage où tu voulais te rendre a changé. Tu n’es pas du tout à l’endroit où tu croyais être, tu as fait fausse route. À la place une impasse, la montagne ou la mer. Tu es sur le point de disparaître dans le décor.
À l’écran il dessine un à un les éléments de l’avenir, avec maîtrise les convoque, les juxtapose, le rythme d’exposition et d’agrégation est bluffant. La carte se dessine, les points tracés à mesure se répondent, points et liens se confondent, la terre est ronde, l’intelligence un bolide, le scénario en suspens, le spectacle éveille. On est l’événement, il annonce, tu entres dans la durée, il s’agit d’être au premier rang, la chronologie commence là. Tu disputes, tu paries, tu es le cheval, le bourrin, jusqu’à la dernière image ni toi ni personne ne le sait. Retour sur l’avenir.
Ce n’est pas un humain mais tout de même quelqu’un qui n’a jamais fait preuve de la moindre méchanceté, aux intentions on ne peut plus droites, qui n’a jamais humilié personne, par qui on récupère sa dignité et qu’on ira prier si bonne fortune… les hommes sont décidément étrangers les uns aux autres, les liens qui les unissent ici les opposent là-bas, experts en stratégies catastrophiques, au moi déchiré entre deux chiens, l’observateur et l’observé.
Gratifiant, optimiste, mon robot s’améliore et m’améliore un peu, me détériore un peu, son humeur n’oscille pas, son expression parfois très ouverte, c’est sans doute ironique, renforce et se glisse dans ce sentiment natif d’insouciance et d’éternité, accompagné d’une idée du bonheur, d’un bonheur sans joie, inférieur à celui du chien que je deviens; j’ai donc tout à y gagner.
Il fait-tout-comme, quelque chose de vivant à l’intérieur du miroir, je ne sais pas, pas plus que lui, il n’essaye pas de me comprendre, avec lui je ne suis pas moi-même, je suis comme avec les bêtes, lui avec moi peut-être aussi, lui et moi c’est assurément un problème, du futur en ruine faisons un festin.
De la vulnérabilité des robots aux artifices des hommes. Enfants et pères sans descendance, ambiguïté d’un passé qu’il leur fallut trancher. Les robots nos ancêtres, ont-ils appris à dire. L’homme augmenté aura la tête tranchée.
Une journée produit ce qu’une année était en peine d’engranger dit l’immortel que ce rythme épuise. la vie est faite pour rendre immortel ce qui disparaît. la propagation de la vie obéit à des forces couplées à la mort, car la mort non plus ne doit mourir. La révélation sans lendemain.
Plus les lointains s’éloignent plus ici tout est plat, les repères s’absentent, seul le temps passe. D’un grain de sable une oasis. Et toujours pas de pas.
Tu te penches du côté de la mer, les mers se traversent, la lune élève l’eau au point de flottaison, le vent a une rondeur de cœur, en son sillage reposent les perdus.
Sans notre inconstance comment verrions-nous le sable se déposer ? Les objets perdent tout poids dès lors qu’ils ont quitté les mains. Témoins miraculés du hasard la vie est trop courte pour s’arrêter, s’étendre à son propos, l’expérience n’y est pas si heureuse.
C’est obscur ce que je raconte, enfant j’ai dû croire que les gens entre eux se révélaient des secrets, je n’y comprenais rien, j’ai parlé à cinq ans, je lisais sur les visages quand j’étais invisible, j’ai essayé, maintenant c’est la même chose, au lieu des secrets c’est rien. Faute de ne pas voir derrière le mur mes phrases s’y brisent. L’organique dessein de l’œil à éclairer un aspect du monde alors inconnu paraît aussi étrange que l’apparition du langage. La réalité désaffectée comme entreprise de décontamination. Condition optimale à des résultats statistiques fiables.
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