Inventer des alibis pour qu’on puisse se faire illusion et vivre plus gaiement, c’est à dire calmer sa “conscience”, tel est l’objet principal de la casuistique. On y parvient justement en débaptisant le crime, en se disant que ce n’en est pas un, en lui donnant un autre nom, jusqu’à celui d’exploit. Tant qu’il porte son nom, le crime est insupportable; une fois débaptisé, il devient même exaltant. Il y a vraiment de jolis petits noms, apaisants, scientifiques, tel que pourcentage. Dit comme ça il n’y à plus à s’alarmer. La justice est donc privée de son nom et reçoit celui de “bon droit”. C’est ce changement imperceptible qui facilite tous les autres, et voilà que le crime est débaptisé. Voilà qu’on traite les faiblards de poux et de gredins. Que le désir de donner a fait place au désir de prendre. Que le mépris et la haine viennent remplacer le désir et le pouvoir.
C’est pourquoi Dostoïevski s’amusait à dire : je suis 1 gredin, parce qu’il était sorti d’un sous-sol.  Oui mais attention!! il le met cyniquement dans la bouche de Verkhovenski, celui la même qui se considérait révolutionnaire socialiste. Car il avait conscience d’un fait capital, si les jeunes viennent à la révolution et au “socialisme” c’est avant tout par dévouement, guidés par un sincère amour de l’humanité , au nom de l’honneur de la vérité et de l’utilité bien comprise, mais elle effrayait l’auteur car elle implique la douloureuse gestation d’une nouvelle conception du monde, tache qui excède les forces des plus puissants génies…..Quand aux hommes de sous-sol, ils se flagellent l’âme tout en glorifiant le maitre..puis ils prennent la parole.
Malheureusement, ce même Dostoïevski qui devait si rigoureusement condamner la casuistique et ce qui va avec en fit usage pour justifier les guerres de rapine du tsarisme qu’il salua la politique étrangère du régime en invoquant la raison d’état, et qu’il tissa des passions chauvines et des idées rétrogrades “notre tsar est réellement attaché à la paix et ménage le sang humain” et ” la guerre va purifier l’air que nous respirons” il en a fait même des poèmes , voir (aux événements de l’Europe)…. Et ainsi il réussit à se faire nommer officier.
“La loi orale est une casuistique”disait Lévinas .. Le particulier vient ici surveiller le général qui court le danger de devenir son propre contraire et qui peut même devenir une idéologie. C’est pour cela qu’il y a eu l’interdiction primitive d’écrire la loi orale, afin d’éviter justement de verser du coté de la casuistique.