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Enfin nous nous rencontrons…

-Qui es-tu ?

-Je suis un souvenir. Quelqu’un que tu as oublié… Quelqu’un de responsable de ton passé.

-Va-t’en!

-Sais tu que ton passé…

-Je n’ai plus de passé…

-Il m’a fallu l’effacer et le refaire…Que tu oublies toute attache, que tu deviennes le nouveau messager…

-Va-t’en !

Le noir est alors revenu, et j’avais peur, peur d’avoir échoué. Peur de le perdre pour toujours. Il m’a fallu plusieurs minutes pour regarder le monde à nouveau, mais il manquait quelque chose, qui si elle se perdait, signerait la fin de ma vie. Quelque chose qui sanglotait, quelque chose de sauvée aussi… l’oiseau.

-Il a suffit d’une seconde comme d’un courant qui se libère, la main qui me reliait à lui fut soumise à de telles tensions que j’ai dû lâcher tu comprends ?

-L’oiseau : Oui enfin non !

-Tu ne m’as jamais appris le transplanage. C’est ca qu’il aurait fallu.

-L’oiseau : Parce que au fond je n’ai jamais su ce que c’était. Comme moi si tu avais à choisir entre rester ici ou mourir, tu aurais choisi la mort. Le transplanage agit en rotation, brisant le sacré contact qui nous unissait dans le noir, et même si la panique, la peur incarnée s’en résultent, je continuais à agir. Nous tournions sur nous-mêmes en espérant une seule chose : sortir d’ici vivant.

-C’est le vertige à en vomir, une véritable bombe à retardement à l’intérieur du crane. Un terrible sifflement, l’envie de mourir…et le choc… J’ai échoué je suis désolée.

-L’oiseau : Ca ressemble à un “va-t’en! C’est trop peu !”. Rappelle-toi qu’il faut gifler nos âmes afin qu’elles se réveillent. Rappelle toi ton écorce originelle avant que…


-J’ai voulu ne garder de souvenance aucune, mais des thèses humides s’accrochaient à ma main. Et quand tes mains sont abimées comment tenir encore quelqu’un? Quand on y revoit, tout dans le monde devient une sorte de menace invincible dont la mission est de nous renvoyer dans une prison de désespoir et de malheur. J’ai perdu la paix.

-L’oiseau : Il faut avancer sans cesse, pour aller ou me diras tu ? C’est une bonne question.

-Le destin peut tenir un être sous le joug, Caïn fut de ceux-là dès son premier cri et…

-L’oiseau : Je m’interroge sur ce qui peut t’amener à fuir ainsi. Il n’est jamais bon de tourner le dos à quoique ce soit…

-Je ne fuis pas ! Je ne fuirais jamais !

-L’oiseau : Pourtant il est des choses devant lesquelles un humain devrait fuir !

– Il faut courir c’est tout, essayer de se calmer, de se concentrer pour transplaner sans laisser la moitié de son corps derrière soi.

-L’oiseau : Lorsque la mort vous course, c’est difficile de garder son calme. Un idiot pourrait croire que je m’entrainais au sprint pour les jeux olympiques, mais je ne risquais pas de croiser un idiot, ni quoique ce soit d’autre. Les seules personnes dont je sentais la présence dans mon dos étaient des ennemis. Des ennemis que je ne méritais pas, mais qui passaient pourtant leur temps à me courir derrière.

-Il faudra un jour qu’il sache !

-L’oiseau : Mais non, il n’en a pas besoin.

-..Tu me manques! J’ai veillé sur toi toute la nuit mais comment vais-je faire pour faire passer le gout du feu ?

-L’oiseau : Et bien sache que les flots incessants du temps s’essayent à nous faire choir dans cet océan d’oubli, les intarissables rivières de sang nous ramènent toujours à cet instant d’éternité. Il y a des grottes à traverser et nos petites mains ont plus de mille ans et toujours je l’ai croisé, m’a toujours poursuivie cette sombre folie et m’a gâché la vie…Et je suis incapable maintenant d’arrêter ce spectacle, les mécanismes de ce décor rutilant de nos souffrances, ne finissent pas de grincer sur une marche arrière , un point mort. Inutiles !! Inutiles !!

-Te reverrai-je ?

S.M

Peinture:”The Witnessing”
oil on canvas 60×120 cm. Avihai Cohen