Entre 1985-1987, Leibowitz donne toute une série de causeries hebdomadaires sur les ondes de Galéi Tsahal, consacrées à la Parachat de la semaine….Je voudrai évoquer ici son intervention sur la Parachat Houkat, qui commence avec la crise qui suivit l’épisode des espions et l’interdiction faite à Moise d’enter en terre promise ( il n’eut même pas le droit d’y être enterré).
De nombreuses hypothèses formelles ont été émises en vue de découvrir les raisons de cette interdiction, mais aucune d’entre elles ne satisfait l’esprit, et Le Midrash en se basant sur le Psaume 1066,32 « ils suscitèrent le courroux aux eaux de Meriba et il advient du mal à moise a cause d’eux »pose la question suivante : « Moise avec quoi veux- tu entrer en terre promise ? » : cette génération que tu as dirigé n’a pas mérité d’y entrer et toi tu veux y entrer ? Ceci ressemble en effet à un berger dont le troupeau a été dévoré par les bêtes sauvages, peut- il dire « et moi je rentre à la maison ? », en d’autres termes, le dirigeant porte la faute de sa génération, de toutes les fautes commises sous son autorité, même si lui-même du point de vue moral ou juridique n’est pas responsable. Une conception de l’honneur semblable au capitaine d’un bateau sur le point de sombrer, qui n’avait pas le droit de tenter de sauver sa vie tant que tous ses marins n’étaient pas tirés d’affaire. Il devait couler avec son navire.
Je reprends ici les mots de Leibowitz : « Dans le vocabulaire aujourd’hui, celui de la réalité sociopolitique » nous appelons ce code de l’honneur, responsabilité ministérielle, dont le sort de Moise nous fournit l’exemple en forme de paradigme. Mais c’est une conception qui désormais nous fait défaut. Ce qui en dit long sur la qualité de nos dirigeants. Nous sommes désormais dirigés par des hommes dépourvus de tout honneur personnel, des dirigeants qui cherchent leur salut sur le compte des crimes, des péchés, des omissions, des erreurs, commis par leurs subordonnés, ayant agi sous couvert de leur autorité. Ceci à l’opposé de ce berger fidèle que connurent les enfants d’Israël. Lorsque ceux-ci périrent par leur propre faute, lui qui n’avait pour sa part commis aucune faute, périt avec eux. »